Gestion simplifiée de l’épilepsie avec EpiHealth
Membres de l’équipe
Bernice Lien, Gabriel Peralta, Ivana Miovcic, Jisu Qian, Selen Calgin, Vladyslava Diachenko
Sommaire
L’Organisation mondiale de la Santé a reconnu l’épilepsie comme étant un problème majeur de santé publique. Touchant plus de 50 millions de personnes dans le monde, il s’agit de l’une des affections neurologiques les plus communes. L’épilepsie se caractérise par la survenue de crises pouvant aller de mouvements involontaires à des pertes de conscience. De plus, les personnes épileptiques ont un risque de décès trois fois plus élevé que la moyenne de la population.
C’est dans cette optique que notre équipe a décidé de développer EpiHealth — une application de prévision et de détection des crises. À l’aide de l’intelligence artificielle (Artificial Intelligence — AI) et de données biométriques obtenues grâce à des bracelets personnels connectés, EpiHealth permet aux personnes épileptiques d’être plus autonomes dans la gestion de leur maladie. Poursuivez votre lecture pour en apprendre davantage sur les moyens dont les gagnant-e-s du Toronto Accelerator Award de 2022 ont l’intention d’améliorer la vie des personnes souffrant d’épilepsie!
Mots-clés
épilepsie, apprentissage automatique (AA), Machine Learning (ML), technologie portable, intelligence artificielle (IA), Artificial Intelligence (AI), réseau de neurones convolutif unidimensionnel, Convolutional Neural Network (1D CNN), soins de santé, réseau à mémoire à long et court terme (MLCT), Long Short-Term Memory Neural Network (LSTM), prévision des crises
Enjeu
Le problème majeur de l’épilepsie est le caractère imprévisible des crises, ce qui peut grandement affecter la qualité de vie des personnes touchées. En plus de la gestion des aspects physiques de ce trouble, les principaux défis associés à l’épilepsie sont : le manque d’indépendance, l’incidence sur la vie sociale, ainsi que la stigmatisation et la discrimination. Il s’agit aussi d’une condition difficile à gérer et à traiter. Il existe d'importantes lacunes dans les soins et la prise en charge de l'épilepsie, car les crises sont souvent sous-déclarées et les médecins et autres professionnels de la santé ont de la difficulté à identifier les changements dans la fréquence ou la gravité des crises. Nous espérons tirer profit de l’apprentissage automatique pour procurer un sentiment de contrôle et d’autonomie aux personnes atteintes.
Notre projet vise à aborder les principaux problèmes liés à l’épilepsie. Grâce à la prévision de crises, les utilisateurs seront en mesure d’évaluer les risques avant le début des crises et de prévoir leurs journées en conséquence. La détection des crises permet une meilleure gestion de la maladie pour les utilisateurs et leurs fournisseurs de soins de santé afin d’améliorer la qualité de vie des patients. Nous travaillons de plus à l’intégration de détection du stress et de gestion du sommeil afin d’améliorer davantage la gestion de l’épilepsie des utilisateurs en les avertissant de possibles déclencheurs. Notre vision consiste à créer un écosystème global de gestion de l’épilepsie afin de combler l’écart dans les soins fournis aux personnes épileptiques et de leur procurer une plus grande autonomie par rapport à leur état de santé.
Liste de technologies
Dorsales : Python, PyTorch, réseau à mémoire à long et court terme, réseau de neurones convolutif unidimensionnel, NumPy, Matplotlib, Pandas
Frontales : Figma, Wix, Canva (pour les diapositives)
Développement du projet
Remue-méninges :
Nous avons formé notre groupe avec un objectif commun en tête : chacun-e d’entre nous souhaitait utiliser l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer le secteur des soins de santé. Nous avons tout d’abord tenu des séances de remue-méninges et déterminé lesquelles de nos idées seraient réalisables. Cela a été l’une des étapes les plus difficiles de notre projet, car chacun-e avait apporté plusieurs excellentes suggestions. Pour créer notre modèle IA, nous avons également pensé à d’autres solutions novatrices comme la reconnaissance des cellules cancéreuses, la traduction en temps réel en langue des signes, la prévision basée sur la santé maternelle et le suivi oculaire pour les patients paraplégiques. Nous avons enfin choisi la prévision des crises d’épilepsie, car cela pouvait être intégré à une application et nous pouvions imaginer l’impact que cela pourrait avoir pour les patients.
Après avoir choisi le sujet de notre projet, nous avons entrepris des recherches sur l’épilepsie afin d’en apprendre davantage sur cette condition. En nous penchant sur les causes des crises d'épilepsie, nous avons découvert que le manque de sommeil et le stress étaient des déclencheurs répandus. Comme le stress était fortement associé à la fréquence des crises, nous avons décidé d’intégrer un outil de détection du stress à notre modèle de prévision des crises afin d’offrir un écosystème de gestion de l’épilepsie plus complet. Avec l’application, nous voulions offrir une expérience utilisateur globale qui permettrait de suivre et de répertorier les symptômes tout en fournissant une prévision quotidienne ou horaire du risque de crise.
En analysant les attentes des utilisateurs d’application de prévision de l’épilepsie, nos recherches ont démontré que ces patients souhaitaient une méthode précise et non invasive. Environ 70 % des patients atteints d’épilepsie ont approuvé l’utilisation d’un système de gestion par l’intermédiaire d’un téléphone intelligent ou d’une montre. Les autres méthodes de détection (sur la jambe, le bras, la poitrine ou la tête) ont obtenu un taux d’approbation des utilisateurs en deçà de 50 %. Nous voulions concevoir une application qui jouirait d’un parc d’utilisateurs actifs; c’est pourquoi nous avons opté pour le modèle basé sur un téléphone intelligent ou une montre.
Données :
Ensuite, nous avons dû recueillir des données pour notre modèle. Nous avons eu la chance d'avoir accès à deux ensembles de données distincts pour la prévision des crises et la détection du stress. Pour le volet de la prévision des crises, nous avons obtenu des données grâce à 25 patients par le biais de Seer Medical, en partenariat avec la Epilepsy Foundation. La mesure des données s’est faite à l’aide de l’Empatica E4, un dispositif de poignet de qualité médicale qui tient compte des données biométriques comme l’accélération (x, y, z), le rythme cardiaque, le volume sanguin, la température et la magnitude. Pour le volet de la détection du stress, l’Université de Californie à Irvine nous a fourni des données grâce à 15 patients. C’est l’Empatica E4 porté au niveau de la poitrine qui a permis de recueillir ces données.
Une fois ces données recueillies, elles ont dû être prétraitées avant de pouvoir être utilisées dans nos modèles. Les deux ensembles de données ont été rééchantillonnés en 128 Hz, puis normalisés avec MinMaxScaler (-1, 1). L’ensemble de données sur le stress a été étiqueté comme étant « stress » ou « non stress ». L’ensemble de données sur l’épilepsie a été étiqueté comme étant « pré-ictale », « ictale » ou « interictale ». La phase pré-ictale est la période précédant une crise, c’est-à-dire une heure avant le début de la crise. La phase ictale est la période pendant la crise. Enfin, la phase interictale est la période entre les crises, mesurée deux heures après une crise.
Mise en œuvre :
Quand est venu le temps de décider le modèle que nous pourrions utiliser pour notre projet, il a été établi qu’un réseau à mémoire à long et court terme (MLCT) serait la meilleure solution puisque nous travaillions avec des données chronologiques. Les MLCT sont les plus performants en ce qui concerne les prévisions basées sur le contexte. Nous avons opté pour une architecture de mémoire à long et court terme, car nous disposions de plusieurs entrées provenant des mesures effectuées par les dispositifs médicaux. Notre modèle recevait 10 minutes de données à la fois, et son objectif consistait à classer les entrées comme étant des phases « pré-ictale », « ictale » ou « interictale ». Nous avons utilisé le même intervalle de 10 minutes pour le modèle de détection du stress, mais celui-ci classait les entrées comme étant des phases de « stress » ou « non stress ». Les deux modèles comprennent trois couches de MLCT reliées à un réseau neuronal entièrement connecté. La fonction de perte utilisée était une entropie croisée binaire pondérée.
Un-e des mentor-e-s nous a aussi suggéré d’utiliser un réseau de neurones convolutif unidimensionnel comme modèle de prévision de l’épilepsie. Bien qu’il s’agisse d’une approche plus novatrice, l’utilisation de ce type de modèle était plus simple et plus rapide à peupler que celle d’un MLCT. Tout comme le modèle LMCT, le modèle de réseau de neurones convolutif unidimensionnel devait tenir compte de toutes les mesures effectuées, et son objectif consistait à classer les entrées comme étant « pré-ictale », « ictale » ou « interictale ». Il comprenait plusieurs couches : une couche de convolution, une couche de max-pooling, deux couches linéaires et une couche de perte. Nous espérions être en mesure d’utiliser le réseau de neurones convolutif unidimensionnel en conjonction avec le LMCT pour obtenir des prévisions encore plus justes.
Pour peupler et tester nos modèles, nous avons utilisé une méthode de validation croisée d’un contre tous. Le modèle de prévision de l’épilepsie et le modèle de détection du stress ont tous deux été peuplés à l’aide de tous les ensembles de données sauf un, qui a été mis à l’écart pour servir d’ensemble de données pour le test. Nous avons choisi une méthode de validation croisée d’un contre tous puisque nous travaillions avec un ensemble de données plus petit et que nous voulions obtenir des résultats précis. Enfin, étant donné que notre modèle LMCT de prévision de l’épilepsie présentait un taux de précision de 82 % et que notre modèle LMCT de détection du stress présentait un taux de précision de 76 %, ces deux modèles démontraient encore des problèmes majeurs en raison d’un déséquilibre des données, en plus de ne pas arriver à prédire les segments pré-ictaux avec grande précision. Notre modèle de prévision de l’épilepsie par réseau de neurones convolutif unidimensionnel nous semble plus prometteur avec un taux de précision global de 81 %, et un taux de précision de 52 % en ce qui a trait au classement correct des segments pré-ictaux. Nous travaillons actuellement à un meilleur équilibrage de nos données afin que nos modèles soient aussi précis que nous le souhaitons.
Impact et innovation :
De nombreuses applications d’enregistrement et de suivi des crises existent sur le marché, comme Epsy et SeizAlarm qui aident les patients épileptiques à surveiller leurs symptômes. Afin que notre application sorte du lot et ait une incidence positive sur la vie des patients, nous avons voulu y intégrer un outil de prévision des crises. Alors que nous étions au plein cœur du développement de notre projet, Seer Medical – l’entreprise nous ayant donné accès à ses données sur l’épilepsie – a annoncé le lancement prochain sur le marché de sa propre application de prévision des crises. Bien que nous ayons été surpris-e-s de la nouvelle, nous avons choisi de poursuivre notre projet. Pour que notre application se distingue des autres, nous voulons utiliser l’apprentissage automatique pour faire le suivi du stress et du sommeil aux fins de gestion de l’épilepsie. Nous visons la combinaison des fonctionnalités existantes de surveillance de l’épilepsie aux méthodes précises de prévision des crises, en plus d’intégrer le suivi du stress et du sommeil afin de créer une application tout-en-un de gestion de l’épilepsie.
Défis
Disponibilité des données
Peu après avoir défini l'idée de notre projet, nous avons commencé à chercher des ensembles de données sur l'épilepsie. Nous avons réalisé qu'il n'y avait qu'une quantité limitée de données accessibles au public dont nous pourrions nous servir. Nous avons eu la chance d’avoir accès à un ensemble de données de Seer Medical, mais le bassin de patients était limité à 25. Avec un si petit ensemble de données, nous avons dû faire attention aux moyens utilisés pour peupler et tester nos modèles afin qu’ils présentent une précision optimale.
Déséquilibre des données
Comme mentionné précédemment, le déséquilibre des données constitue un problème majeur pour nos modèles. Les périodes « interictales » et « non stress » étant respectivement dominantes dans nos données sur l'épilepsie et sur le stress, nos modèles semblent être orientés vers le plus grand ensemble de données. L'expérimentation relative à l'ajout de mesures n'a pas été couronnée de succès. Nos prochaines étapes ont donc consisté à augmenter la taille des petits ensembles de données en créant des signaux artificiels.
Puissance de traitement
Un autre grand défi que nous avons rencontré était le stockage et le traitement des quantités massives de données requises pour nos modèles. Nous devions constamment mettre à niveau notre espace de stockage et notre mémoire vive puisque nos modèles nécessitaient une grande puissance de traitement. Heureusement que le AI4Good Lab a été très conciliant en nous remboursant les frais encourus pour l'espace supplémentaire que nous avons dû nous procurer.
Gestion du temps
Nous avions un échéancier serré d’un peu moins d’un mois pour élaborer notre projet. Avec si peu de temps, nous avons dû planifier soigneusement nos objectifs hebdomadaires, assister à des rencontres avec nos mentor-e-s et faire face aux imprévus en temps opportun. Nous avions tous des emplois du temps chargés à gérer et il était crucial de satisfaire les exigences en fonction de notre échéancier. Grâce à une planification minutieuse et à quelques heures supplémentaires, nous avons pu respecter nos délais.
Apprentissages et accomplissements
Le AI4Good Lab nous a permis d’assister à des ateliers utiles, d’entendre des orateurs et oratrices inspirant-e-s et de profiter de l’aide de mentor-e-s. Nous avons beaucoup appris sur l’intelligence artificielle et le Lab nous a permis d’acquérir les aptitudes techniques dont nous avions besoin pour notre projet. Nous avons eu beaucoup de plaisir lors d’événements comme le minimarathon de programmation qui nous ont aidé-e-s à développer nos habiletés en matière de gestion du temps. Nos mentor-e-s ont toujours été là pour nous aider à développer notre projet, et ce, à toutes les étapes. Nous avons passé beaucoup de temps à travailler sur EpiHealth et c’est avec une grande fierté que nous avons présenté le projet final au Demo Day (Jour de démonstration).
Prochaines étapes
Notre équipe continuera à œuvrer sur EpiHealth grâce aux ressources additionnelles reçues lorsque nous avons remporté Toronto Accelerator Award. La prochaine étape de notre projet consiste à améliorer nos modèles et à augmenter leur degré de précision. Nous nous sommes attaqué-e-s à une tâche difficile en essayant de résoudre un problème de série chronologique avec un minimum de données et, même avec une pondération, le déséquilibre des données était difficile à surmonter. Pour faire des améliorations, nous aimerions augmenter le nombre de fonctionnalités. Nous souhaitons également collaborer avec des experts du domaine et avoir accès à un ensemble de données plus vaste.
De plus, nous désirons inclure une modélisation plus complète du stress et du cycle du sommeil. Étant donné qu’il est prouvé qu’il y a une corrélation entre le stress, le sommeil et les crises, inclure des données sur le stress et le sommeil permettrait à notre application de faire des prévisions plus précises. Enfin, nous aimerions ajouter des modèles personnalisés permettant à chacun-e des utilisateur-rice-s de vivre une expérience sur mesure avec notre application.
Notre projet est toujours en cours; si vous désirez communiquer avec nous, n’hésitez pas à le faire à l’adresse epihealth@gmail.com!
Remerciements
Nous tenons à exprimer notre reconnaissance à notre assistante d’enseignement, Karissa Chan, pour avoir partagé ses connaissances avec nous et nous avoir aidé-e-s à mettre en œuvre ce projet. Nous voulons aussi remercier les mentor-e-s de notre équipe, Zafarali Ahmed et Sylvia (Yu-Jia) Shiah, qui nous ont fait part de leur expertise lors de nos réunions hebdomadaires. Enfin, nous voulons remercier le AI4Good Lab de nous avoir permis de travailler ensemble et d’accéder à la formation et aux ressources nécessaires à la création de notre projet!